Bien que fréquents durant la grossesse, les troubles thyroïdiens sont souvent méconnus ou mis sur le dos des signes sympathiques de grossesse. La thyroïde glande vitale rythmant le fonctionnement de tout l’organisme subit d’importantes modifications physiologiques chez la femme enceinte, sur lesquelles peuvent se greffer bon nombre de dysfonctionnements, qu’il convient de connaître et de diagnostiquer précocement afin d’en éviter les conséquences sur le déroulement de la grossesse et le développement du fœtus.
La thyroïde, c’est quoi ?
La thyroïde est une glande endocrine située à la partie antérieure basse du cou, en avant de la trachée , directement sous la peau et les muscles du cou. Elle produit les hormones thyroïdiennes à savoir la T4 (Thyroxine) et la T3 (tétra-iodo-thyronine), qui ont un rôle fondamental dans le métabolisme de base de l’organisme se traduisant de deux façons : en stimulant la production de protéines par la quasi-totalité des tissus de l’organisme et en augmentant la quantité d’oxygène utilisée par les cellules.
La production des hormones thyroïdiennes se fait sous le contrôle étroit d’une hormone hypophysaire (la TSH) , qui elle-même est secrétée sous l’effet d’une hormone hypothalamique (la TRH). La thyroïde secrète également la calcitonine, une hormone qui participe au maintien de la masse osseuse en favorisant la fixation du calcium dans les os.
Comment fonctionne la thyroïde durant la grossesse ?
Le fonctionnement thyroïdien connaît beaucoup de modifications chez la femme enceinte. Les besoins en iode augmentent au cours de la grossesse du fait du transfert trans-plancentaire de l’iode vers le fœtus . D’autre part, l’activité fonctionnelle de la thyroïde augmente du fait de l’action de l’hormone chorionique gonadotrophique (hCG) qui peut mimer l’action de l’hormone TSH, et entrainer donc une augmentation de la sécrétion des hormones thyroïdiennes.
Hypothyroïdie et grossesse
La fréquence de l’hypothyroïdie au cours de la grossesse varie de 0,7% à 2,4% dans la population générale. Elle devient plus importante chez les femmes présentant une maladie auto-immune. Le risque de survenue d’hypothyroïdie est multiplié par 3 à 5 chez les femmes souffrant d’un diabète type I.
La principale cause d’hypothyroïdie chez la femme enceinte reste l’atteinte auto-immune de la thyroïde, il n’est cependant pas exclu qu’elle soit la conséquence d’une carence en iode sévère. Le diagnostic d’hypothyroïdie est évoqué devant un ensemble de symptômes, comme l’asthénie, la chute de cheveux, la prise de poids, les troubles de concentration, la voix rauque et l’élocution lente. Il est confirmé par le dosage hormonal qui révèle le plus souvent une augmentation de la TSH, alors que la concentration de la T4 est dans les limites de la normale ou diminuée.
Hyperthyroïdie et grossesse
L’hyperthyroïdie se voit chez 2 à 3 % des femmes enceintes. Elle est due à deux raisons principales, soit une atteinte auto-immune de la thyroïde appelée «maladie de Basedow», soit à une augmentation transitoire des hormones thyroïdiennes, qui disparaît généralement durant le deuxième trimestre.
L’hyperthyroïdie peut être suspectée devant un faisceau de symptômes qui sont à différencier des signes sympathiques de la grossesse. Le tableau clinique peut être fait de palpitations, tachycardie, irritabilité, nervosité, excès de sudation, tremblements etc. L’absence de prise de poids durant la grossesse reste un signe très évocateur. Le diagnostic est confirmé par le dosage des hormones thyroïdiennes, qui révèle le plus souvent une TSH basse et une T4 libre élevée.
Goitre et grossesse
Le goitre consiste en une augmentation diffuse du volume de la thyroïde, il peut être simple ou associé à des nodules. Il peut se manifester de façon isolée ou dans le cadre d’une maladie auto-immune comme la maladie de Basedow et peut donc s’accompagner d’un dérèglement hormonal thyroïdien ou pas. La grossesse favorise l’apparition et l’augmentation de la taille des nodules thyroïdiens, à cause de la réduction de la disponibilité en iode et l’augmentation de l’activité fonctionnelle de la thyroïde. La principale question à se poser devant un goitre chez une femme enceinte est : faut-il opérer la patiente ? et qaund faut-il le faire ?.
Il faut savoir qu’ en dehors de la grossesse on propose la chirurgie comme traitement pour les goitres simples, nodulaires ou multi-nodulaires devant les cas de figures suivants :
· La taille importante de la thyroïde dans sa globalité ou des nodules thyroïdiens. Un nodule de gros volume peut entrainer une compression des organes de voisinage, et causer un préjudice esthétique au patient.
· La présence ou la forte probabilité d’un cancer thyroïdien. Chez la femme enceinte, la chirurgie doit être proposée en règle général après l’accouchement, sauf en cas de cancer thyroïdien d’évolution très rapide, la patiente peut être opérée à partir du deuxième trimestre.
Est-ce que le traitement médical est compatible avec la grossesse ?
Dès l’apparition de signes cliniques pouvant faire évoquer un dysfonctionnement thyroïdien, il convient de consulter un spécialiste, et ne surtout pas attribuer ces symptômes aux signes sympathiques de grossesse. Dans tous les cas, le diagnostic d’hypothyroïdie impose un traitement substitutif rapide et précoce car en son absence peuvent apparaître des complications maternelles et fœtales très graves comme le retard de croissance et de développement cérébral du bébé.
En cas d’hyperthyroïdie, il convient tout d’abord d’identifier si elle est transitoire ou si elle s’intègre dans le cadre d’une maladie auto-immune, et seul votre médecin traitant pourra juger de la nécessité ou non d’une médication en prenant compte de la balance bénéfices-risques.
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Dr. Hamida ARDHAOUI
Spécialiste en ORL et chirurgie cervico-faciale à Casablanca
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